Notre île sombre × Christopher Priest
Dans « Notre île sombre », Christopher Priest dépeint un monde imaginaire mais possible où les colonisateurs d’antan deviennent les colonisés d’aujourd’hui et où la peur de l’autre se répand à vitesse grand V. Ce brillant roman d’anticipation nourrit les peurs collectives et plonge le lecteur dans un récit obscur et nostalgique. Juste réadaptation du « Rat blanc », œuvre du même auteur parue 40 ans auparavant, ce livre complexe et travaillé ne vous laissera probablement pas indifférent.
Alan Whitman, un professeur infidèle et peu engagé, poursuit une existence banale au côté de sa femme Isobel et de sa fille Sally. A des milliers de kilomètres, le continent africain est ravagé par des attaques nucléaires qui rendent toute vie sur ces terres impossibles et forcent les africains à fuir leurs pays. Alors que des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants se massent sur les côtes anglaises, Alan et sa famille sont contraints de fuir leur rassurant foyer. Débute alors un voyage terrifiant pour ces personnages centraux qui tentent de survivre dans un pays désormais hostile et dangereux.
Cette œuvre n’est pas seulement une critique acerbe des pays colonisateurs, une satire de notre société actuelle ou une sombre illustration de l’arroseur arrosé. C’est aussi et surtout, l’histoire d’un homme qui tente de survivre dans un monde qu’il ne reconnait plus. Dépassé par les événements et les horreurs de la guerre civile, Alan se transforme. Ou comment la souffrance et le désespoir conduisent le plus pacifique des agneaux à devenir un redoutable loup…
Même si le contexte n’est pas franchement original et manque de consistance, le personnage d’Alan est ce qu’il y a de plus intéressant. On est propulsé dans le passé de cet homme mais aussi dans son douloureux présent. Au fil du récit, on en apprend davantage sur sa personnalité, ses choix et les circonstances qui l’ont poussé à rejoindre une bande d’hommes errants. Balancé d’un temps à un autre, on ne s’ennuie pas. Les paragraphes courts donnent du rythme au récit et nous poussent à dévorer cet ouvrage rapidement. Certains passages sont très marquants d’autres moins, mais tous participent à la construction d’une atmosphère si particulière et propre aux romans catastrophes.
« Je suis sale. J’ai les cheveux desséchés, pleins de sel, des démangeaisons au cuir chevelu. J’ai les yeux bleus. Je suis grand. Je porte les vêtements que je portais il y a six moi et je pue… »
Une couverture attractive et une histoire efficace font de ce livre une belle découverte !
Notre île sombre de Christopher Priest – Editions Folio SF- 2011