La nuit des orateurs x Hédi Kaddour

La nuit des orateurs x Hédi Kaddour

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Qu’il est difficile de décrire le roman historique de Hédi Kaddour, La nuit des orateurs, tant il revêt des casques différents. Empreint de lyrisme et de passages contemplatifs sous fond d’intrigues à la cour de l’empereur Domitien, cette oeuvre très documentée nous plonge dans l’empire romain des années 81 (après J.C). 

Sous le règne du frère de l’empereur Titus, les sénateurs sont surveillés et supprimés au moindre pas de côté. Autoritaire et effrayé par les complots, Domitien est connu pour sa grande cruauté. C’est dans ce contexte de délation que deux amis proches du pouvoir : Pline le jeune et Publius Cornelius Tacitus – alias Tacite pour les connaisseurs, se retrouvent impliqués dans une affaire concernant un favori de l’empereur, histoire qui pourrait bien leur faire perdre la tête, littéralement. 

« Domitien ajoutait que la tragédie s’abat sur les gens parce qu’ils font de petites fautes; les grosses fautes ne sont pas tragiques, elles méritent leur châtiment, elles ne font ni peur ni pitié; les fautes tragiques sont de petites fautes, certains sénateurs en font, ils croient qu’elles sont sans conséquence, ils ne voient pas qu’elles ouvrent la porte à la tragédie. »

A travers cet ouvrage, l’auteur nous plonge dans les intrigues et les rivalités romaines de l’époque; où la parole est une arme au même titre que le glaive: un mot pouvant vous conduire à la gloire éternel ou à la potence. 

L’auteur nous livre également un portrait soigné et méticuleux des us et coutumes de l’époque mais également des jeux de pouvoirs et de la place des sénateurs, philosophes et notables à la fin du premier siècle de notre ère. 

J’ai particulièrement apprécié la mise en lumière du rôle de l’épouse de Publius, Lucrecia, qui n’a rien d’une potiche et qui fait montre d’une intelligence rare, d’un esprit vif et affuté. Magistral portrait d’une femme qui n’a rien à envier à ses collègues masculins et qui fait montre d’un courage et d’une détermination exceptionnels. 

Mais alors, je vous explique où, selon moi, le bât blesse. Je me suis un peu perdue dans les descriptions et les détours trop nombreux à mon goût. Il faudrait quasiment lire cette oeuvre comme de la poésie pour éviter l’indigestion qui n’est jamais très loin. Les monologues intérieurs des personnages et l’analyse poussée de chaque détail coupe la dynamique du récit qui perd en rythme et en puissance. J’ai eu du mal à le terminer car la tension décroit au fil des pages. On a envie de savoir comment les personnages vont s’en sortir mais on est prêt à faire l’impasse sur quelques pages ou chapitres pour cela. 

Une lecture en demi teinte donc qui aurait pu, selon moi, se délester de considérations trop profondes et d’un côté analytique très (trop) présent. Une écriture qui vaut somme toute la peine de s’y arrêter et une recherche historique poussée qui en raviront certains. 

La nuit des orateurs – Editions Folio – 2021

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